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claude bourrinet - Page 3

  • Autopsie d'un deuil...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré à la France invisible, laminée par la crise et l'américanisation des moeurs...

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    Autopsie d'un deuil

    Dans quelle partie la vérité de la société française contemporaine se manifeste-elle le plus ? Il faudrait un échantillon qui échappât aux contaminations de l’idéologie, aux miasmes du journalisme, et à la myopie de l’actualité. Les tribulations de la « racaille » de banlieue, ou celles de tel acteur populaire, entrent dans cette catégorie peu ragoûtante, avec les orgies et farces tristes de la France d’en haut, dont l’on conviendra qu’elles ne sont, ni les unes, ni les autres, représentatives du pays réel, bien qu’elles en constituent une partie significative. La belle étude du sociologue Christophe Guilluy, Fractures françaises (François Bourin Editeur) a mis récemment en évidence le déséquilibre en partie voulu entre certains secteurs médiatisés à outrance, et exhibés avec tout le pathos possible pour en faire un centre d’intérêt susceptible de promouvoir un certain type de société, et d’autres secteurs, occultés, ignorés ou méprisés, bien qu’ils secrètent des problèmes, notamment de pauvreté et d’abandon, autrement plus aigus que les premiers, lesquels bénéficient de toute la sollicitude des pouvoirs publics.

    La France obscure, banalement quotidienne, et souvent paisiblement, passivement, tragiquement installée dans sa pauvreté, son désespoir ou son amertume, paraît représenter ce que nous cherchons, un échantillon significatif de ce que nous sommes devenus. Un endroit isolé, oublié, sera, à coup sûr, un exemple a fortiori de notre société, et d’autant plus symbolique qu’il n’est apparemment pas touché par certains maux emblématiques qui bouleversent notre nation, comme l’immigration massive, les délocalisations, l’urbanisation sauvage etc. Et néanmoins, nous verrons que ce coin écarté, semble-t-il, de l’histoire en train de se faire, reçoit violemment, bien que sans protestation, les forces destructrices de la modernité.

    Appelons donc ce village Sainte Hermine les Sylves, et la région qui l’environne le Duboisais. Cela fera bucolique. Et, en effet, le pays est superbement tapissé de forêts, que rongent des prés parfois dévalant en pente douce. Car c’est aussi une terre de collines, de rochers. Voilà le décor planté. Notons que le terme « pays » a ici une résonance bien précise, puisqu’il désigne un territoire un peu supérieur au canton, en gros ce que peut parcourir un homme à pied en une journée. C’est d’ailleurs ce qui correspondait à la vie pratique des éleveurs, qui se rendaient pour deux ou trois jours à des comices, avec bétail et produits fermiers. Il n’était pas question, il y a cinquante ou cent ans, de bétaillères. L’on n’avait pas peur de marcher. Du reste, les déplacements étaient rares, et uniquement mus par des raisons majeures. Certains vieillards, encore, avouent ne s’être rendus à un village éloigné de dix kilomètres qu’une seule fois dans leur vie, et ignorer complètement les villes voisines. Pour une part, l’univers paysan est encore borné par l’horizon, bien que nombre d’éleveurs n’hésitent pas à se rendre au Salon de l’agriculture. Et même il leur arrive de prendre des vacances, et de se rendre à la mer.

    C’est un point sur lequel il faut donc appuyer : l’attachement, forcé ou libre, au terroir local, est encore une valeur vivace dans la France d’aujourd’hui, du moins pour peu qu’il y reste des habitants, car la société s’urbanise et les jeunes sont bien contraints d’aller chercher du travail ailleurs. Du reste, qui voudrait, même parmi les bobos écolos, ces rats des villes, passer l’année dans une campagne qui n’a pas toujours l’aspect souriant et ensoleillé de vacances estivales ? Il existe donc, même chez les « exilés » des villes, chez ceux qui sont contraints de partir, et qui reviennent régulièrement, une forte identité, qui leur donne un sentiment d’appartenance culturelle. On est breton, comme on est limousin. C’est pourquoi, dans un monde que l’on prétend « nomade », une grande partie de la population échappe au bougisme forcé, à l’anglais obligatoire, et aux délices du mélangisme. Ce qui, il faut bien le dire, aboutit parfois à une méfiance instinctive pour tout ce qui est étranger. Les « éducateurs », en ce domaine, ont parfois bien de la peine à faire entrer les préceptes de bien pensance dans le crâne de jeunes, qu’ils ne connaissent d’ailleurs souvent que de fort loin. Songeons que, contrairement à ce qui existait jadis, où les instituteurs et les professeurs de collège étaient bien des fois issus du cru, la plupart des enseignants résident à des dizaines de kilomètres de leur lieu de travail, dans la grande ville, et méprisent ces « ploucs » qu’ils ne sont pas éloignés de considérer comme des sauvages à évangéliser. On pourrait procéder aux mêmes remarques en ce qui concerne les valeurs sacrées de la bobotude triomphante, comme l’art contemporain ou l’homosexualité.

    Cette France des terroirs ne se conquiert pas. Elle s’apprivoise, ou plutôt, c’est elle qui vous domestique, au sens littéral, qui vous accepte, vous accueille comme dans un foyer, une maison. Et c’est à vous d’être assez humble et large d’esprit pour vous plier au genre de vie local, qui est pétri de petits gestes, d’une façon bien spéciale de parler, de saluer, de demander son pain. Ici, tout le monde se connaît. A tel point que le seul événement qui ait encore du succès est l’enterrement, qui draine, comme une occasion de ressouder chaleureusement la communauté, tous les proches et les moins proches du défunt. C’est un rituel, un cérémonial, un geste de respect et de fraternité qu’il est difficile de récuser. Le village est une famille.

    Les funérailles sont du reste là, pour beaucoup, la seule occasion de se rendre à l’église. Depuis une vingtaine d’années, les liens se sont relâchés entre la religion et les gens. Les anciens meurent, les jeunes ne se rendent plus à la messe. Phénomène commun partout, y compris dans les campagnes. Certes, les petits enfants sont sans doute plus nombreux qu’en ville à se rendre au catéchisme ou à faire leur communion, mais cela ne va pas plus loin, et ils se laissent happer, comme les adultes, par la nonchalance et l’irresponsabilité, l’indifférentisme et la paresse de cette vie moderne, qui ne rend un culte, finalement, qu’au travail productif.

    Les prêtres sont rares, souvent très vieux, et sont dépassés par un labeur surhumain. Par la force des choses, ils ne peuvent plus donner une entière attention aux personnes. Ils paraissent quelque peu comme des fonctionnaires de tâches religieuses.

    A y regarder de plus près, c’est peut-être là qu’est l’un des changements cruciaux des rapports humains, depuis quelques lustres. Lorsque je suis arrivé à Sainte Hermine des Sylves, j’avais l’impression d’une communauté, d’une complicité, même si les haines existaient, ou éclataient. Pour gagner son élection, le candidat à la magistrature communale tapait sur l’épaule en offrant l’apéro, avait toujours un mot gentil, et promettait une place pour le petit jeune. En général, il tenait parole. Il faut un chef, voilà la philosophie politique du lieu. Après l’élection, il peut faire ce qu’il veut, du moment qu’on reçoit l’essentiel, une certaine sécurité. Le lien possédait de la substance. Maintenant, tout semble plus ou moins froidement fonctionnel, le maire gère, la gendarmerie surveille, le maître d’école enseigne, le facteur distribue les lettres, mais dans l’air que l’on respire n’existe plus ce rayonnement chaud et pressant qui instituait l’impression forte de contribuer à une existence commune. Les trajectoires se sont individualisées, les comités des fêtes se sont évaporés, les grands projets fédérateurs ont disparu, et avec eux le plaisir des fêtes, des spectacles, des réjouissances, même si la nature de ces événements n’étaient pas d’un goût très sûr. Qu’importe ! on fabriquait des chars fleuris, on faisait venir des chanteurs populaires, on invitait des forains, on organisait des expositions de camions peints… C’étaient toujours des occasions de se revoir, et de rassembler les habitants du pays. On dirait que l’énergie et l’enthousiasme se sont dilués dans les plaisirs éparpillés, dans l’atomisation des volontés individuelles, en même temps que les jouissances se sont artificialisées, que les appareils modernes de transmission, internet, le portable, les jeux vidéo etc. ont vampirisé la libido et le temps. Il existe encore de grands banquets, à l’occasion de fêtes, de vide-greniers, de foires, mais le Mac do de la ville connaît un succès fou, on rêve d’Eurodisney, on joue frénétiquement au loto, et les jeunes, filles ou garçons, encore qu’ils savourent avec délectation la tradition culinaire locale, cochon, fromage, veau etc., ne savent plus très bien comment on fait cuire un œuf.

    On trouve encore cette contradiction, entre attachement fort et désintérêt, dans le rapport avec la nature. Une part significative des gamins participent aux chasses paternelles, ou s’adonnent volontiers à la pêche. C’est même un enchantement de les faire parler. Beaucoup sont intarissables quand il s’agit de conversations relatives à ces loisirs, mais aussi quand il est question d’élevage de bovins ou de chevaux, d’agriculture, plus généralement d’existence campagnarde. On découvre chez eux un vocabulaire riche et précis. Mais Hors de là, c’est presque le néant. Il ne serait pas tragique si les nécessités de l’économie contemporaine n’imposaient d’autres horizons. Et c’est une source de malentendus, voire de mépris chez les bobos qui ne voient de salut que dans la transhumance vers la ville et ses intoxications. Une partie des jeunes gens, ici, font du Rousseau sans le savoir. Ils contredisent les clichés qu’on veut bien véhiculer au sujet des générations montantes, supposées vibrer pour l’agitation du monde moderne. Instinctivement, ils verraient leur bonheur dans les travaux agricoles, la vie dans la ferme ou la petite vallée, et ne souhaitent pas partager les enchantements du prétendu bonheur urbain. Il ne faut pas, bien sûr, généraliser des cas qui sont néanmoins en nombre conséquent, mais cela explique, pour une part, le peu d’appétence pour les carrières « intellectuelles », les ambitions professionnelles, et, plus généralement, pour les questions culturelles.

    Cette contradiction se situe, du reste, à tous les niveaux, dans toutes les générations. Elle se traduit par un ancrage pragmatique dans la tradition qui persiste dans les modes de vie campagnards, la nourriture régionale perçue comme normale, les attitudes héritées des parents, et le conditionnement inévitable apporté par l’american way of life. Par exemple, on mangera jambon, pâté, saucisson en buvant du coca cola ; ou bien on se rassemblera près de la cheminée, on accueillera les amis, tout en omettant de fermer la télévision, qui fonctionne sans intermittence ; ou bien on organisera une grande fête, où sera invitée la grande fratrie des cousins, oncles, tantes, anciens etc., mais, au lieu de louer les services d’un groupe de musique traditionnelle, on paiera un pianoteur de synthétiseur ; ou bien on ne manquera aucun rassemblement champêtre, où se côtoient hommes et bêtes, mais on écoutera en battant la mesure cette soupe américaine qu’on a l’habitude de nous déverser maintenant dans les boutiques, les cafés, les rues et les espaces publics. La France profonde est pour ainsi dire schizophrénique, mais elle ne le sait pas ; du moins la contradiction qui met aux prises deux univers antithétiques n’est-elle pas perçue comme telle. Mais elle existe, contrairement à beaucoup de lieux urbains, où ne subsiste que la domination de la sous culture mondialisée.

    Cela n’empêche nullement cette dernière de faire des ravages, et de contribuer à déraciner toujours davantage les habitants des campagnes. Il y a un peu plus de vingt ans, on découvrait avec malaise l’emprise phénoménale qu’exerçait la musique dite « techno » sur les enfants, qui en connaissaient à ce sujet plus que les adultes. Leur capacité d’absorption de la bouillie médiatique n’est explicable que par le temps consacré à toutes les sources qui la diffusent, mais aussi, il faut l’avouer, par la séduction toute particulière qu’elle offre aux pulsions infrahumaines. Nous ne comprendrons jamais le succès mondial du libéralisme si nous ne nous demandons pas s’il ne touche pas des zones réceptives à des stimuli aptes à désinhiber l’individu, et donc à le mettre en porte à faux avec les impératifs sociétaux et éthiques, désormais traduits comme des contraintes insupportables. L‘éducation est, pour cette raison, aussi négligée que dans les villes. Et d’ailleurs les parents ressemblent, par leurs goûts et leur consommation « culturelle », à leur progéniture, et semblent aussi américanisée qu’elle.

    On remarque du reste que les dérèglements qui sapent la société se manifestent autant qu’ailleurs. L’une des causes du pourrissement des mentalités et des comportements a été, il y a quelque trente années, l’établissement d’une boîte de nuit, qui attira jusqu’aux gamins de quatorze ans, lesquels ne cessaient d’y faire allusion, bien plus souvent qu’à l’école. C’était là, somme toute, leur conception d’une certaine « éducation ». Non seulement on y apprenait à boire, mais on s’y initiait à toutes formes de drogues. Le trafic s’organisa, parfois avec des villes très éloignées, et de nombreux problèmes de santé, d’attitude, en résultèrent. Il était possible de croiser des jeunes gens dont l’accoutrement n’était guère différent que ceux qui font flores dans les banlieues. Au demeurant, pour peu que l’on converse avec des enfants, on est obligé de corriger invariablement un langage calqué sur les émissions de show business de la télévision. Ces gamins portent volontiers des T-shirts frappés du drapeau américain, anglais, du signe NY, ou de quelque inscription anglo-saxonne.

    Pour ne pas demeurer tout à fait sur un signe négatif, il serait erroné de penser que personne ne réagit. J’ai eu la chance de rencontrer de nombreux adultes, d’un certain âge, autour de la quarantaine ou de la cinquantaine, souffrant de cet état désastreux de fait. L’intelligence, la lucidité, la clarté d’expression, la finesse d’analyse de ces personnes étaient merveilleuses, et pour tout dire, surprenantes pour un pessimiste comme moi. Il était évident que l’abattement devant ce qui ressemble à un tsunami de vulgarité et de destruction prend sa source dans l’impression que les êtres de bonne volonté sont ultra-minoritaires. Or, il n’est pas rare d’en croiser. Le problème est bien sûr que la partie saine de la société est atomisée. Parfois, des projets collectifs donnent corps à un état d’esprit partagé. Tel village s’organise pour restaurer une croix de chemin, par exemple.

    J’ai discuté avec un acteur de cette restauration. Sa famille était établie dans le hameau depuis sept générations. Il m’a décrit par le menu les différentes étapes de transmission de son patrimoine, qui consistait une très belle ferme en grosses pierres, pourvue de plusieurs annexes. Sa fille et son gendre travaillaient à Lyon. Il ne pensait pas qu’ils allaient garder la propriété car son entretien s’avère très onéreux. Je sentais bien qu’il en était désespéré.

    Nous ne saisirons pas la nature de notre sombre époque si nous n’avons pas conscience qu’elle représente l’un des deux ou trois grands retournements qui ont eu lieu depuis deux mille ans. Le premier a été la conversion de l’empire romain au christianisme, en 312. Puis, le deuxième date de la Renaissance. Le troisième se déroule sous nos yeux, et c’est la disparition de la paysannerie et de la culture paysanne, désormais presque achevée. Ce double génocide s’est produit sans révolte parce que sa durée relative, durant un siècle, voire un peu plus, s’est étalée dans le temps, sur plusieurs générations, et que l’exode n’a pas été perçu comme un mal, puisque de nombreux campagnards recherchaient une amélioration de leur confort de vie. Néanmoins, c’est toute une civilisation qui a été engloutie. Civilisation qui subsistait plus ou moins enracinée il y a quelques dizaines d’années.

    En effet, il est courant, lorsqu’on écoute des gens de plus de cinquante ans, de percevoir dans leurs propos un accent de nostalgie. Les années cinquante ou soixante prennent les apparences d’un paradis. On travaillait encore beaucoup manuellement, mais il y avait plus de travailleurs, les moutons traversaient le village, d’innombrables boutiques, cafés et ateliers n’avaient pas été coulés par les supermarchés et les révolutions dans le mode de travail, peu de gens possédaient une voiture ou un téléphone, ce qui obligeait de se rendre service. Aller rendre visite, une ou deux semaines, durant l’été, aux grands parents résidant au fin fond de la campagne, était considéré comme le loisir suprême. Les jeunes flirtaient, dansaient, s’amusaient, mais tout cela avait un air bon enfant, nullement l’aspect crispé et mortifère des lieux de distraction actuels. Il existait des riches, des pauvres, des minables, des gens intéressants, brillants, mais on appartenait à la même famille, les bourgeois locaux, catholiques, « protégeaient » leur « clientèle », et surtout l’humour prenait souvent le dessus. On retire l’impression qu’avant on riait et on s’amusait beaucoup, malgré des conditions de vie assez dures, qui rendaient d’ailleurs tout bienfait inestimable, bien davantage que dans notre époque d’abondance, où l’on se lasse de tout.

    La vie n’est pas pour autant facile de nos jours. Des paysans se sont pendus, d’autres sont partis, des familles entières ont migré pour d’autres cieux, seuls les gros exploitants subsistent, les prés sont passés dans quelques mains, les « stabus » énormes ont proliféré, les jeunes paysans ont appris à standardiser leur production, à rendre plus efficace leur travail, au détriment d’un certain rapport avec la nature, la terre et les bêtes. La plupart des métiers anciens ont disparu. Ne subsistent que des emplois de service, d’aide à la personne, de domestiques, de « paysagistes » (jardiniers), de commerciaux… Phénomène social qui ne manque pas d’aligner les mentalités sur la norme. Les « assistés » se multiplient, les « cas sos », comme on dit. Les familles éclatent, se décomposent, se recomposent, se surcomposent (comme on parle de surendettement) autant que dans les villes, et parfois seulement après une ou deux années de cohabitation, souvent avec des enfants en bas âge. C’est une véritable épidémie, qui provoque des meurtres, des suicides, et des enfants « à problèmes », mais aussi, parfois, des situations burlesques.

    Il faut faire le deuil d’une France, et d’une Europe, disparues. Elles ne reviendront jamais comme elles étaient. Cependant, si l’on fait la part de l’aliénation provoquée par l’américanisation des esprits et des mœurs, il faut reconnaître qu’il existe dans le peuple d’en bas encore une partie, sinon intacte, du moins susceptible de réaction. La difficulté est de lui parler avec un langage qu’elle entende, et de lui donner l’envie et le courage de réagir, de combattre contre les forces destructrices.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 1er janvier 2012)

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  • L'Amérique (auto)destructrice ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Claude Bourrinet cueilli sur Voxnr et consacré au phénomène des tueries de masse aux Etats-Unis...

     

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    Aurora (2012) - Virginia Tech (2007) - Columbine (1999)

     

    L'Amérique (auto)destructrice

    La récente tuerie, la dernière d’une longue série, de l’école primaire Sandy Hook, à Newtown, dans le Connecticut, qui a provoqué la mort de 27 personnes, dont 20 enfants, a suscité, outre une émotion bien légitime, les déclarations traditionnelles, que l’on s’attend à entendre dans de telles circonstances.

    Le lobby des armes à feu, incarné par la National Rifle Association, a encore une fois été dénoncé, mais l’on peut conjecturer qu’il n’y aura aucune suite à une mise en accusation, qui, pour autant, ne sert pas réellement à identifier le problème de fond qui mine la société américaine.

    Pour expliquer les aberrations qui prolifèrent comme une pandémie, et qui meurtrissent aveuglément des innocents au gré des caprices des tueurs, les commentateurs ont à leur disposition une mallette de notions passe-partout, qui, outre l’argument majeur des 200 000 000 d’armes qui se baladent de l’Atlantique au Pacifique, usent tout le lexique fourni en matière de sociologie, d’éducation, et surtout de psychologie. On met l’accent, avec raison, sur la déstructuration des personnes, sur les conflits qui détruisent les liens familiaux, sur la désocialisation des individus enfermés dans un monde intérieur peuplé des fantasmes virtuels de l’internet, sur la haine, la jalousie, le ressentiment qui empoisonnent des consciences perverties par la société du spectacle, de la marchandise, et de la réussite à tout prix, sur la disparition des inhibitions, des tabous moraux qui rendent les gestes meurtriers anodins, banals. Tout cela est vrai, mais peu sont ceux qui dévoileront la cause ultime de ce désastre : l’Amérique elle-même.

    Dans son passionnant ouvrage, « Stendhal et l’Amérique », Michel Crouzet a évoqué le désamour que l’auteur de Lucien Leuwen avait éprouvé pour la république américaine, après une période d’illusions démocratiques. Cette analyse d’un itinéraire que beaucoup connaîtront après avoir découvert la réalité du Nouveau Monde est en soi l’auscultation attentive d’une civilisation qui est la seule à avoir inventé, dans l’Histoire, une forme inédite de massacre, celui de ses propres enfants.


    Stendhal a bénéficié, en lecteur exigeant, de nombreux récits de voyageurs tels que Victor Jacquemont, Basil Hall, Mrs Trollope, Miss Frances Wright, Félix de Beaujour, Volney, dont certains étaient de ses amis, et tous, des écrivains capables de prendre une distance critique. Il n’est pas anodin que Mrs Trollope, par exemple, Anglaise émancipée s’il en est, passa l’Atlantique Wigh, pour revenir Tory !

    Stendhal, qui n’était pas réactionnaire, voyait dans l’Amérique, certes, le progrès, mais aussi la décadence, une régression de la civilisation. L’américanisme était l’avenir, mais il ne serait pour rien au monde devenu Américain. Le progressisme du Nouveau monde, extrémité occidentale de l’Europe, accentue la modernité, qui est arrachement à la sensibilité, jusqu’à son anéantissement. L’homo faber est avant tout l’homme destructeur. Si la volonté et le calcul y sont les instruments de sa liberté, elles servent aussi à maîtriser aussi bien l’être intérieur que la nature.


    Stendhal oppose l’homo americanus au Français, sociable, galant, léger et peu rentable, et surtout à l’Italien, dont la passion rentrée peut éclater en folie destructrice, mais néanmoins civilisatrice, pour peu qu’elle soit sublimée par l’éros et la beauté, ces frivolités essentielles de l’humain différencié. L’archaïsme italien favorise l’épanouissement individuel et collectif, tandis que la perfection politique des Etats-Unis les plonge dans une crise permanente.


    L’homme de raison des Lumières a porté dans ses bagages le progrès et l’ennui. Le négociant européen y est devenu roi. Dans le roman inachevé « Lucien Leuwen », le héros éponyme dit : « Prenez un petit marchand de Rouen ou de Lyon, avare et sans imagination, et vous aurez un Américain ». Un roi multiplié, plébéien, bassement calculateur, régnant sur un continent. Ce qui suffit à donner la mesure de la catastrophe historique que fut le triomphe des Anglo-saxons (Stendhal, à la suite de son ami anglais S. Sharpe, assure que « les Américains ne sont que la quintessence d’Anglais ») sur la terre des Amérindiens, et ce qu’elle fût devenu si les Français, qui s’occupaient plus de nouer des relations galantes avec les Indiennes que de bâtir une utopie biblique, avaient imposé leurs mœurs.


    Au lieu de quoi on eut une sorte d’in-civilisation, la société industrielle de l’Angleterre poussée à son paroxysme, dont les traits sont amplifiés : moralité hyperbolique, puritanisme, austérité, répression du désir, rentabilité, productivité, brutalité des rapports économiques et sociaux, exploitation de la force de travail. Une Angleterre sans sa culture aristocratique de la différence, au demeurant. « L’homme n’[y] est mû que par trois idées : l’argent, la liberté et Dieu ». Avec une prédilection pour la première.


    Ce qui pourra paraître paradoxal pour un contemporain est l’anti-rousseauisme de Stendhal. Il reprend, par l’idéologue Volney, les préjugés de Voltaire sur les « sauvages », qui, par nécessité, sont réduits à vivre misérablement, poussés par un besoin de subsistance précaire, sans imagination, sans dilapidation gracieuse des biens, qui est la condition indispensable pour que l’idée de luxe apparaisse, donc de plaisir, de raffinement, d’intériorisation du délice, et de la construction de rapports sophistiqués avec autrui. L’Indien est un barbare naturel, donc utilitariste. C’est pourquoi il est l’exact miroir de l’homme démocratique américain, uniquement préoccupé d’une économie matérielle d’accumulation des biens et de leur consommation mélancolique.


    La table rase qui a initié un monde nouveau, quelle qu’ait été sa violence originelle, qui subsiste cependant autant dans la conscience profonde du descendant de pionnier, que dans l’attachement épidermique à la possession d’armes à feu, a eu pour effet d’effacer toutes les origines, les personnalités, les véritables différences. L’Américain moyen ne déteste rien tant que la supériorité ou l’originalité. La Terre promise est un pré uniforme où paît le troupeau de Dieu. Le brassage recrée le désert. La masse oppresse, le jugement, le droit, le contrat deviennent le seul critère assurant un lien entre des atomes exilés.


    L’oppression du groupe est d’autant plus prégnant qu’elle n’est pas équilibrée par l’oisiveté cultivée, le loisir épicurien, la dilection gratuite, donc salvatrice. Hormis le travail et la prière, il n’y a rien. Ou tout, ce qui est la même chose. Il est même, et surtout, impossible de se rattacher à un passé, puisque le Nouvel Eden est à construire, et à universaliser. Le temps est à défricher, comme la frontière, et de façon violente. La forêt, la nature, les minerais, le territoire, les paysages, ne sont plus que des instruments de la puissance. Les voyageurs du XXème siècle ont été stupéfaits de découvrir combien le paysan américain, qui n’est plus un paysan, mais un spéculateur, ne s’attache ni à un lieu, ni à la beauté d’un endroit, ni même aux séductions existentielles qu’il offre : ils coupent tout, vendent, puis s’en vont. Le rapport à la nature y est brutal, irrespectueux. Les terres sont si nombreuses, si vastes, si étrangères, au fond, à l’identité des hommes qui en prennent possession, qu’il est vain de s’y arrêter, et, comme sur le Vieux continent, de les transformer en ces œuvres d’art que sont les paysages des nations européennes.


    Nous touchons là l’une des sources de la violence endémique qui mine la société américaine, et qui en fait une des civilisations les plus anormales de l’histoire humaine, une des raisons pour lesquelles elle parviendra peut-être à subjuguer les autres civilisations, à les détruire, et à anéantir, avec elles, l’humanité.


    Car si l’Europe s’est faite peu à peu, dans la longue durée, par une série de cultures conquérantes qui ont absorbé, sans les éradiquer, celles qui leur avaient succédé, des temps préhistoriques jusqu’au moyen-âge, la société américaine a supprimé tout ce qu’elle considérait comme le « mal », les Indiens, la culture européenne, le temps « mort », mais qui vit, pour instaurer ce qu’elle a toujours considéré come un destin manifeste, voulu par Dieu, sans distinction de la variété du monde et de la légitimité des autres visions du monde. En revanche, dès le néolithique, le terroir européen a pris forme, dans un équilibre sage et patient entre la nature sauvage et la nature domestiquée, entre la chasse, la cueillette et l’agriculture, entre la part libertaire de l’homme et sa portion sociale, perçue comme élévation vers une plus grande liberté, laquelle a toujours été perçue come une libération par rapport aux besoins biologiques de l’individu, donc des nécessités économiques. Cette prise en compte civilisationnelle des complexités humaines a produit le grand Art et l’amour fin, considérés comme des idéaux à atteindre par l’élite. L’esclavage réel n’est que celui de la rationalité instrumentale, qui ne donne que ce qu’elle vaut. L’homme se construit à partir de son affectivité, de sa sensibilité, de son monde intérieur, et de l’invention de nouvelles sensations, de tout ce qui éloigne du mécanique.


    Qui veut faire l’ange fait la bête. A vouloir en finir avec la corruption, à quoi l’Américain réduit l’oisiveté aristocratique, le luxe et les plaisirs de l’art et de l’amour, on finit par dénaturer l’homme, par le déshumaniser, par rompre avec ce qui le constitue en tant qu’être sociable, à conjuguer la froideur standardisante aux brusques explosions pornographiques et meurtrières, les deux d’ailleurs se rejoignant dans l’usage immodéré du calcul.


    Plutôt que la prolifération des armes à feu, que les journalistes et responsables politiques s’évertuent de combattre, comme si l’élimination de boutons sur la peau suffisait à faire disparaître une maladie, il vaudrait mieux se demander quelles sont les raison de fond d’un phénomène qui se répète, et s’amplifie. Toutes les règles drastiques de sécurité, et les tentatives d’éducation « civique », ne sont pas parvenues à prévenir un phénomène qui tend à se répandre partout où l’américanisation tend à déstabiliser les sociétés. De la Chine à la France, en passant par la Finlande ou l’Allemagne, la maladie gagne. Parfois, la pathologie s’adapte au terrain. En France, par exemple, il n’est pas rare qu’un père assassine femme et enfants avant de se donner la mort. Les modalités criminelles sont plus américanisées dans les pays du Nord, bien que la tuerie de Nanterre, le 26 au 27 mars 2002, nous ait livré un spécimen qui devrait réjouir le très californien groupe de « réflexion » Terra nova (tout un programme).Richard Durn apparaît en effet, par ses diplômes, son engagement dans le « camp du progrès », son ressentiment viscéral, comme un pur produit américanoïde.


    Du reste, tous ces tueurs appartiennent à la société hypermoderne. Non seulement parce qu’ils prennent la peine, comme dans les meilleurs scénarii hollywoodiens, de se déguiser en « guerriers » de la nuit, avec tenue noire commando et force armes automatiques, mais ils utilisent internet pour gonfler leur ego dans une geste pathétique et dérisoire de narcissisme aigu, et, si possible, de faire perdurer leur image, comme ils ont, eux-mêmes, pu s’inspirer de celle de leurs sinistres devanciers.

    Il est malheureusement certain que cette pathologie civilisationnelle va continuer de se mondialiser à mesure que le Nouvel Ordre mondiale s’universalise. Il est frappant, du reste, de noter que la tuerie de Newtown (dont le nom est révélateur) s’est produite dans une usine à éduquer, dans une école où plus de 600 enfants étaient rassemblés. La quantité, dans l’horreur, s’allie toujours avec l’atrocité, comme dans les abattoirs.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 15 décembre 2012)

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  • Education et destructuration capitaliste de la société...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré à la question centrale de l'éducation...

     

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    Education et destructuration capitaliste de la société

    Une enquête de l'observatoire des jeunes et des familles de la fondation Apprentis d'Auteuil révélait récemment qu'une famille sur deux rencontrait des difficultés considérables face à des enfants qui échappent de plus en plus à toute espèce de contrôle. Dans ce sondage, les troubles de comportement sont évoqués, l'impossibilité de fixer des règles et des limites, et ce malaise touche autant les parents d'origine modeste que ceux dont la situation est plus aisée. Pour autant, ce n'est pas tant la nature des relations entre générations qui est mise en question, que la valeur des perspectives plus larges dans lesquelles elles s'inscrivent. Car au-delà d'un constat de crise de l'éducation et de la formation des jeunes, c'est toute une civilisation qui révèle sa faille profonde, la gravité d'une maladie qui la mine et va finir par la terrasser.

    En règle générale, la société technicienne qui est la nôtre offre naïvement l'aide du spécialiste pour remédier aux maux physiques ou moraux. Les pédopsychologues, comme les praticiens qui apportent une aide dans les domaines bien particuliers des déficiences personnelles (dyslexie, autisme, troubles mentaux, comportementaux, les dysfonctionnements familiaux, voire sociaux), les conseillers d'orientation, les formateurs de parents etc., constituent une brigade d'intervention qui, depuis quelques décennies, s'est étoffée, et connaît le même triomphe que, sur un autre plan, les professionnels de la justice, avocats de toutes catégories, ou la tribu de la finance. Car là où la valeur fait défaut, on cherche une solution dans la maîtrise du fonctionnement. Ces tentatives constituent au demeurant des sources appréciables de profits, tant la société libérale ne provoque des problèmes que pour offrir de pseudo solutions. Des cliniciens aux établissements privés, en passant par les soutiens à la carte ou les formations onéreuses, il y a toujours une « remédiation », comme l’on dit dans le jargon des technocrates de la pédagogie, pour toutes les défaillances.

    Les familles qui se déstructurent, bien qu'on ait présenté ce chaos annoncé comme un progrès vers la liberté et la réappropriation de son propre corps, sa « libération », que l'on place souvent avant l'esprit, l'abandon des contraintes d'antan, perçues comme des obstacles à la réalisation du moi, sont les symptômes d'un état des choses dont on voit de plus en plus qu'il ressemble à un champ de ruines. La société libérale est fondée sur l’existence d’un individu dont l’autonomie est postulée par essence, dont le comportement est justifié par la raison supérieure de l’intérêt. Entre le désir du sujet et la satisfaction de celui-ci, tout tiers, surtout s’il possède une autorité de fait, devient vite insupportable. Le consommateur compulsif qu’est devenu l’enfant conditionné par les messages publicitaires, l’étalage de tentations mercantiles, et conforté par le discours libertaire, perçoit d’autant plus ses parents comme des empêcheurs de tourner en rond dans le champ de l’illimité, que l’anthropologie postmoderne leur dénie toute légitimité absolue, le relativisme sociétal étant devenu la règle dans le cercle des penseurs issus du structuralisme déstructurant. « … l’individu que la civilisation libérale commence seulement à produire en série éprouve les pires difficultés à intérioriser les limites et les interdits, pourtant indispensables à la construction d’une vie autonome. Faute de pouvoir prendre appui sur une quelconque autorité tierce – que tout le discours réel du capitalisme tend désormais à discréditer – il est, en effet, condamné à tourner indéfiniment en rond dans l’ « arène de l’illimitation » » (J.C. Michéa ; Le Complexe d’Orphée).

    Le « droit de », assumé dans toute société codifiée, est devenu un « droit à », que le « droit des enfants », par exemple, a pu illustrer comme moyen de culpabiliser et de décrédibiliser les parents. La liste des droits n’a pas plus de fin, du reste, que celle des individus, encore qu’il faille aussi considérer que chacun a droit à plusieurs droits, voire à une quantité illimitée, en fonction de la variété de ses caprices, de ses pulsions, ou de ses besoins. La situation s’avère dramatique lorsque l’on prend conscience que la génération précédente, qui élève de nos jours ses enfants, a eu le malheur, ou le bonheur illusoire et mortifère, d’expérimenter la nouvelle société, et de perdre, la première, les repères traditionnels d’autorité, qu’elle a vertement contestées. Aussi est-elle particulièrement désarmée pour réagir avec perspicacité, pour autant qu’elle comprenne bien ce qui lui arrive.

    La réaction générale, en effet, face à un chaos que tous, sauf quelques idéologues minoritaires, sont en mesure de constater, ne serait-ce que parce qu’ils en souffrent, est de diagnostiquer le mal dans sa dimension formelle et dans ses conséquences partielles. On considère que les ravages au sein des familles ou de l’école proviennent d’un manque de discipline, d’une absence de morale, d’une pénurie malheureuse de communication, quand ce ne sont pas les causes inverses, c’est-à-dire trop d’autorité, un excès d’injonctions moralisatrices, ou une trop grande familiarité entre générations.

    Ces analyses échouent à cerner un phénomène qui excède les expériences singulières, même si c’est au niveau individuel qu’il s’incarne le plus visiblement. La généralisation de l’impuissance éducative montre qu’il n’est guère de recette assurée. C’est comme si l’on voulait accorder un orchestre pendant que le paquebot prend l’eau de toute part. Même s’il ne s’agit que de son petit orchestre, un duo, un trio, un quatuor, que l’on essaie d’harmoniser dans sa cabine particulière – et il n’est certes pas impossible de réussir, par moment, quelque bonne composition -, la situation d’ensemble est au naufrage, l’arrière plan génère un sentiment diffus de panique, et, comme une eau qui s’insinue partout, l’esprit de dissolution mine les meilleures volontés en même temps que les cadres que l’on croyait pérennes.

    Ce qui change radicalement les données de la crise, par rapport aux temps anciens, c’est l’adoption consensuelle d’un paradigme, de ce que Renaud Camus, dans un livre, « Décivilisation », qui est un chef d’œuvre de lucidité, nomme l’hyperdémocratisme » : « J’appelle hyperdémocratie la volonté de faire sortir la démocratie de son lit politique pour la projeter dans des domaines qui, à première vue, ne lui sont guère congéniaux, et per exemple la culture, justement, ou la famille… ». Il s’agit-là d’une intolérance, propre à l’âge des masses, à tout ce qui évoque une réelle différence, ou une supériorité quelconque. Or, la civilisation quantitative actuelle tend à promouvoir l’égalité absolue, au nom de la lutte contre les « privilèges » et les « discriminations ». Depuis l’après-guerre, ce sont les « héritiers » qui sont visés, et Bourdieu a fait, dans les cabinets ministériels ainsi que dans les salles de professeurs, de nombreux émules. Or, comme le rappelle Renaud Camus, « tout mouvement vers l’égalité implique toujours, autant et souvent plus que l’élévation de la partie défavorisée, l’abaissement simultanée de la partie favorisé… »

    La division de la société entre une classe où était de règle la contrainte, cette « syntaxe » des valeurs, (« J’ai appelé la syntaxe l’autre dans la langue : se contraindre à parler syntaxiquement, c’est reconnaître qu’on n’est pas seul, qu’à travers nous parlent une langue, un peuple, une histoire, une convention, un pacte d’in-nocence, un consentement à la non-adhésion à soi-même, à l’expression pure »), syntaxe qui est la formalisation au niveau de l’ethos, du legs des temps passés et de la bienséance civile, alliée à la transmission d’une culture savante, élitiste, et l’autre partie de la société, en principe exclue de cette éducation qui apprenait à se « tenir droit », mais qui, d’une façon ou d’une autre, en recevait les leçons, à tel point que, ce que l’on a nommé « école républicaine », était, peu ou prou, le symbole d’une civilisation qui était encore ouverte à l’ascendante exigence d’une éducation assumée consciemment, a laissé place à « la grosse classe unique de convergence centrale », totalitaire productrice et prescriptrice d’un discours hédoniste, ludique, démobilisateur, démoralisant et avachissant. Personne n’en est exempt. « … les héritiers n’héritent plus de rien (culturellement) et [sont] aussi déshérités que les non-héritiers. » Même dans les familles encore soucieuse d’une éducation digne de ce nom, il est très ardu, voire impossible, de garder à l’abri des enfants infectés par la maladie universelle de la vulgarité, du laisser aller et des plaisirs faciles et grossiers.

    L’oligarchie postmoderne, souvent le fruit, grâce à l’émergence de nouveaux domaines économiques, liés à la révolution des transmissions de l’image et du son, ou bien portée par le triomphe du capitalisme financier, partage amplement les goûts plébéiens de la masse, comme des pauvres enrichis, des parvenus. Nous avons assisté à une révolution « culturelle » plus profonde que celle conduite par Mao. Aucun signe de ralliement ou de contre-offensive ne peut être viable. Peu nombreux sont ceux qui se souviennent ou connaissent vraiment ce que fut le monde d’avant, qui fait figure dorénavant de continent perdu. Et sa disparition n’est pourtant pas si lointaine ! Non qu’il fût parfait, et qu’il dût apparaître comme un idéal vers lequel faire retour, mais il gardait encore les principes qui furent ceux de toutes les époques, de toutes les civilisations, jusqu’à la nôtre, si différentes des autres, si anormale, si malade. Il était banal alors de considérer qu’il fallait faire des efforts pour devenir soi-même, que l’enfant, s’il avait vocation à se transformer en adulte, ne l’était pas pour autant, et qu’il n’était pas détenteur de cette distance de soi à soi, indispensable pour juger du monde, des autres, et pour acquérir une autonomie si prisée maintenant, sans qu’on sache ce qu’elle est vraiment, et qu’il était nécessaire, enfin, de se « désenseigner » pour accéder à une authentique éducation, à une maîtrise et à un savoir qui, comme l’indique l’étymologie latine, conduit à la voie idoine.

    La situation peut donc s’avérer désespérée. Les saines réactions ne sont que des réactions, les sursauts ne sont pas des sauts vers autre chose, vers un autre monde. Les initiatives personnelles, aussi méritantes soient-elles, si elles n’aboutissent pas à des déconvenues, ne se présentent guère que comme des actes de guérilla. Il faudrait bien sûr que cette « petite guerre » se transmue en une grande, en un affrontement avec la source des maux, cette société libérale qui brouille tout, détruit tout, ne respecte rien, et choisit les valeurs marchandes plutôt que la valeur humaine.

    On ne demandera certes pas aux hommes politiques et aux technocrates de la modernité d'apporter les véritables remèdes à ce désastre. Pour qu'il existe des chances de rencontrer, dans les sphères décisionnelles, une claire compréhension de ce qui se passe, il faudrait que les gouvernants soient autres qu'ils ne sont, ce qui est une vue bien singulière de l'esprit, un raisonnement pas l'absurde. Car accéder à la vérité du monde qu'ils conduisent à sa perte serait pour eu l'équivalent d'un suicide.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 8 décembre 2012)

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  • De la gauche caviar à la gauche Judas...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré à l'affaire de Florange, qui a vu, une nouvelle fois, le gouvernement de gauche renier ses engagements...

     

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    Florange : de la gauche caviar à la gauche Judas

    La « nationalisation » d’ArcelorMittal a fait long feu. Les hauts fourneaux ne redémarreront pas. Un goût très amer est l’unique résultat d’une comédie dont les prétentions affichées se sont dégonflées comme un ballon de fête électorale. On en a « gros sur le cœur ». Ce n’était donc que cela... La nationalisation, même « temporaire », du site sidérurgique de Florange, n’était, au mieux, qu’un moyen naïf de faire chanter Lakshmi Mittal, qui en a vu d’autres, au pire une tromperie aussi niaise. Les imbroglios insensés qui ont accompagné ce qui est présenté comme un compromis, mais qui n’est en fait qu’un pari, bien fragile au demeurant, porteraient à sourire, tellement le personnage haut en couleur qu’est Montebourg, affublé du titre grotesque de « ministre du redressement productif », s’est époumoné en promesses réduites impitoyablement en poussière par Ayrault. Mais où sont passés les « repreneurs fiables » ? Et que valent ses rodomontades pseudo-révolutionnaires, qui s’en prenaient aux méthodes du patron indien, lesquelles ne devaient pas trouver leur place en France ? Même pas peur ! Du reste, le pauvre Montebourg ne sait plus à quel saint se vouer : la raffinerie Petroplus, par exemple, n’a pas plus de repreneur libyen que de repreneur russe ou chinois pour Florange. Peut-être au fond sa tâche est-elle d’occuper la galerie, pendant que le sale boulot s’effectue hors du théâtre des opérations médiatiques. Par exemple quelque chose qui ressemblerait à la fermeture, malgré son activisme presque sarkozyen, du site d'Aulnay PSA.

    Remarquons au passage que la nationalisation, qui est, littéralement, la reprise en main d’une entreprise par la Nation, est une action tout à fait légale, et envisagée par le préambule de la Constitution de 1946. Gageons que ce qui a pu choquer une ultralibérale comme Parisot a été justement cette évocation d’un geste qui heurte les libre-échangistes fanatiques qui nous dominent, plutôt que le poncif du manque de savoir-faire économique de l’Etat. Il aurait fallu plutôt se demander pourquoi un secteur qui concerne, en France, 40 000 personnes, qui produit un acier de très haute qualité, n’a pas été sauvegardé, protégé du dumping de prédateurs comme Lakshmi Mittal, qui a constitué son empire à coups de rachats d'entreprises défaillantes dans les pays émergents et pourquoi, au nom du dogme de la « main invisible », on réserve à l’industrie nationale et européenne les grands coups de poings qui la mettent à terre. Question oratoire, bien sûr... On préfère, dans un cadre mondial, sacrifier notre économie, notre pays, notre terre, au nom des principes. Et quels principes ? Tout le monde sait que Mittal contracte la production d’acier, dans un contexte de crise, pour sauvegarder des prix élevés. Sa démarche est entièrement financière. Une logique préoccupée de garantir des conditions de vie décentes à notre peuple aurait dû se fonder sur un volontarisme industriel, qui n’existe plus en France et en Europe, nonobstant notre ministre du Redressement productif. Que valent les leçons de « réalisme » lorsqu’on verse des milliards d’euros aux banques pour les sauver, et qu’on est soumis aux intérêts financiers transnationaux, voraces et cyniques ? Les dépenses occasionnées par des mesures d’ampleur, ambitieuses et véritablement soucieuses de notre intérêt, coûteraient bien moins cher que cette lente agonie qui nous ravale irrésistiblement au niveau de pays pauvre, désindustrialisé et dépouillé par les marchands apatrides. Nationaliser Florange, par exemple, exigeait 450 millions d'euros, mais n’oublions pas qu’après avoir été nationalisée, puis revendue, Alstom, qu’on donnait pour obsolète, lui a permis d'encaisser 1,6 milliard d'euros.

    Autre source d’embrouille et d’enfumage : la solution alternative est loin de rassurer. Le projet européen «Ulcos» n’a d’ailleurs pas été mentionné dans le communiqué final. Du reste, il a la réputation d’être peu rentable et grevé d’incertitudes techniques et financière. Un avenir fondé sur du sable, en quelque sorte... «Il n'y aura pas de plan social à Florange. Le groupe Mittal s'est engagé à investir au moins 180 millions dans les cinq prochaines années» affirme Ayrault. Cinq ans, c’est long... Quant au « plan social », qui peut garantir que ce n’est pas partie remise ?

    Toutefois, la seule question qui vaille la peine d’être posée est de savoir si la décision du gouvernement Ayrault sera aussi dévastatrice politiquement que celle de Jospin, en 1999, qui avouait, du ton technocratique qu’on lui connaît, qu’il ne pouvait rien faire, après des licenciements boursiers provoqués par Michelin. Décidément, la gauche s’est pliée à la logique libérale mondialiste, et ce ne sont pas les couinements de la patronne Parisot qui nous feront croire le contraire. En vérité, l’hypothèse de la nationalisation, outre qu’elle avait été envisagée par Sarkozy, qui s’y connaît pourtant lui aussi en matière d’enfumage, pour ce même ArcélorMittal, a été appuyée par une grande partie des responsables politiques, nationaux et locaux, de droite comme de gauche, adhésion qui ne plaide pas pour le caractère révolutionnaire d’une telle mesure. Il faut croire que, dans le jeu de dupe qu’est devenue la pratique politicienne contemporaine, on s’évertue à parodier les signes du combat ancien, où les affrontements idéologiques pesaient encore, et que cette agitation de pantins télévisuels, qui remuent leur verbe avec les accents faux d’une rhétorique surannée, ne vise qu’à préparer les trahisons futures, qui nous présenteront le dilemme entre un libéralisme mondialiste soft, contre un libéralisme mondialiste hard. Tant les mots sont plus importants que l’on ne croie pour faire avaler les choses.

    Il est en tout cas certain que les 2 700 employés de Florange sont insignifiants par rapport aux 260 000 salariés du groupe, et surtout par rapport aux quelque 50 000 chômeurs qui, en ces temps de crise, restent, en France, chaque mois sur le carreau. Leur poids est symbolique, comme l’est le mot « nationalisation », qui renvoie à une France jadis industrialisée, dont le secteur sidérurgique, sans parler des autres, était florissant, où la classe ouvrière était fière, digne, orgueilleuse et combative, et, pour tout dire, quand la France était encore la France.

    Le temps est donc au « réalisme », vertu que l’on brandit volontiers pour se donner un air d’honnête gestionnaire, et l’on ne prend même plus la peine d’user de ces feux d’artifices lyriques, qui faisaient frissonner la Mutualité. La chair est triste, hélas !, et je ne prends même plus la peine de lire tous les programmes, tellement ils se ressemblent et s’alignent platement sur les prétendues nécessités de l’économie mondiale.

    Il est clair que Hollande a « écouté », dans l’affaire, Michel Sapin et Pierre Moscovici, plus sensibles à « l'image de la France » auprès des investisseurs étrangers qu’à la détresse des ouvriers français. La bourse vaut bien une fermeture. Le capitalisme prospère sur les cadavres économiques. Il n’est qu’à mesurer la hausse des cours boursiers quand des licenciements sont annoncés dans un secteur. « Say Oui to France » - certainement pas à la France des travailleurs !

    Les économistes ont toujours d’excellentes raisons pour justifier les capitulations. On peut même dire que les brigades de « spécialistes », dont le nombre ne semble pas très rentable en matière de prévisions, si l’on prend la peine de rassembler toutes les erreurs d’analyse et de prédiction qui ont ridiculisé la profession depuis des lustres, occupent et saturent petit écran, grandes ondes et torchons baveux, et qu’ils n’ont jamais assez de mots pour assurer qu’en matière de rêve, c’est assez. Un jour, il faudra se pencher sur la condition de ces plumitifs qui prospèrent à Science Po, dans des fondations grassement subventionnées par des multinationales, et sur les petites chaises qui serrent de près les arrière trains de ces princes qui nous gouvernent. Ces tristes sires ont pour sale besogne de faire accepter l’inévitable, ou considéré comme tel, et de prôner la résignation.

    La réalité économique que ces messieurs de la moulinette à Phynance est pour le coup assez peu ragoûtante, car on a eu souvent affaire, ces dix dernières années, à des licenciements boursiers, qui visaient à accroître les dividendes des actionnaires, en contractant la masse salariale. Danone, Lu, Michelin, Mark&Spencer, Hewlett-Packard, Moulinex, Aventis, Valeo et d’autres sont restées dans les mémoires.

    La gauche n’a jamais essayé d’empêcher ces dérives. Du moins, comme pour le cas Danone, a-t-elle fait mine de prendre des mesures qui se sont révélées impuissantes. Car depuis le tournant de la « rigueur », que l’inénarrable et ex-stalinien Yves Montand avait bénie de sa gouaille d’histrion, en 1983, elle n’a de cesse que de prouver son « sérieux », c’est-à-dire, in fine, sa collusion avec la finance internationale, que Hollande, quand il était candidat, a rassuré, dans la patrie de la banque, en Grande Bretagne, en avouant que ses quelques piques contre elle était de la rigolade électoraliste. Avec Fabius et Bérégovoy, le mot d’ordre avait été la « réconciliation avec le monde de l’entreprise », en clair avec le fric, ce que les champions de la gauche caviar ont bien compris. On ne jura alors que par la concurrence, les privatisations, les baisses d’impôts, les déréglementations.

    Rappelons les exploits d’une gauche qui a le culot de s’appeler encore « socialiste » (« Je n’aime pas les socialistes, parce qu’ils ne sont pas socialistes », disait déjà De Gaulle) : gouvernement Rocard : Crédit local de France, 5 avril 1991, privatisation partielle ; Renault, 1990, ouverture du capital ; gouvernement Jospin : Air France, 1999, ouverture du capital ; Autoroutes du sud de la France (privatisation partielle), mars 2002 : mise en bourse de 49 % du capital, recette : 1,8 milliard d'euros ; Crédit lyonnais , 12 mars 1999 (décret) ; France Télécom, 1997, ouverture du capital, 42 milliards de FF ; Octobre 1997 : mise en bourse de 21 % du capital ; Novembre 1998 : mise en bourse de 13 % du capital ; Framet, 1999; GAN, 1998; Thomson Multimedia ; 1998, ouverture du capital ; 2000, suite ; CIC, 1998; CNP, 1998; Aérospatioale (EADS), 2000, ouverture du capital.

    Si Jean-Marie Le Pen n’avait pas été là en 2002, rien ne les empêchait de continuer sur cette lancée. La droite l'a fait pour eux.

    Comment maintenant le gourvernement actuel va-t-il réagir quand des « plans sociaux » seront annoncés à Renault, SFR, Aetos ; aux Charcuteries Alsaciennes Iller , aux Rillettes Sarthoise Boussard, à la Société Générale, à Coca Cola, à l'AFPA (association nationale pour la formation professionnelle des adultes), à GOL, aux quotidiens régionaux La Provence, Nice Matin, Var matin et Corse Matin sont en vente, à la chaîne télé régionale TLM (Lyon), etc. ?

    Les cadavres risquent de ne pas loger dans le placard !

    Claude Bourrinet (Voxnr, 2 décembre 2012)

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  • De l'hypnose politique avant abattage rituel...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré aux manoeuvres du système politico -médiatiques...

     

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    De l'hypnose politique avant abattage rituel

    Sarkozy peut être condamné (ce qui serait étonnant : ils passent tous à travers les gouttes), cela n'a guère d'importance, la jurisprudence politique montre que des responsables ayant eu des démêlés avec la justice, comme Jean-Marce Ayrault, le premier ministre, ou Harlem Désir, pour le parti socialiste, peuvent conduire sans problème un gouvernement ou un parti du système. Il n'est donc pas exclu que l'agité du bocal politicien ne revienne hanter le petit écran pour déloger le flamby qui s'y colle. Les pitreries grotesques des bouffons de l'UMP ne laissent guère de doute sur le triomphe probable de l'américanoïde président, qui s'affichera comme un zorro hollywwodien.

    Ce qui importe, c'est de voir comment tous les régimes de gauche, en Grèce, en Italie notamment, et en France maintenant, justifient le régime libéral tout en préparant (ou en ayant préparé, pour les deux premiers pays) le retour de la droite "décomplexée. Papandréou, et Zapaterro ont imposé à leurs pays, comme cela commençait à être le cas en Italie avant le prise de pouvoir du technocrate de Goldman Sachs Monti, soutenu par 556 voix (droite et gauche confondues) contre 61, des mesures qui ne ressemblaient en rien à une politique de gauche, au contraire. Convaincus du bien-fondé du Nouvel Ordre mondial, ou emportés par le maelström d'une crise qui bouscule en détruisant, qui incite en désespérant, qui impose ses solutions en ayant assujetti les peuples à sa logique délétère, ils ont commencé à rogner, à démanteler l'édifice social qu'une Europe, probablement naïve, croyait avoir érigé pour toujours, confiante qu'elle était dans la pérennité d'une civilisation de progrès.


    En quoi elle se trompait : la dure réalité de la puissance, de la domination sans fard revient, sans trop prendre la peine d'ajuster un masque qui ne sert plus à grand chose. Les conditions sont mûres pour qu'une oligarchie cynique et avide prenne le pouvoir dans l'aire de domination des Etats-Unis. En attendant pire...

    Avec la complicité des médias, les mesures libérales les plus radicales semblent désormais "souhaitables" pour sortir d'une crise déclenchée sciemment, une révolution ultra-capitaliste, où tous les acquis sociaux et républicains vont voler en éclat. En quelques années, la France va chuter au niveau des pays du Maghreb. Des voix se font entendre pour demander un ajustement sur les salaires espagnols, que le gouvernement Rajoy écrase, et qui sont ravalés eux-mêmes au niveau de ceux du Maroc, qui, eux-mêmes... L'arrivée de Sarkozy dans un ou deux ans est programmée (Copé a été trop mal « élu », et Fillion est discrédité). Attendons-nous à un gros coup de matraque sur la nuque. 

    Le pire, c'est que, comme d'habitude, le peuple, croyant bien faire, risque en masse de voter, comme en Espagne, ou, dans une moindre mesure en Grèce, pour ses bourreaux de droite, par dégoût de la gauche. La presse meanstream, les « spécialistes », l'enfumage propagandiste préparent les cœurs et les esprits.

    Quitte à manifester, un peu plus tard, avec la gueule de bois, par millions, pour se recevoir des coups.

    Mais ce sera trop tard.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 19 novembre 2012)

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  • Israël et les patriotes français...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré à l'attaque de la bande de Gaza par l'armée israëlienne...

     

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    Israël et les patriotes français

    Encore une fois, « l'Etat hébreux », comme disent avec gourmandise les journalistes, agressent, à l'heure où ces lignes sont écrites, le petit territoire de Gaza, d'une largeur de six à douze kilomètres, d'une superficie de 360 km2, où s'entassent, comme dans un camp de concentration, 1,6 millions de réfugiés.


    Cette offensive musclée rappelle celle perpétrée fin 2008 – début 2009, nommée par les Israéliens « Opération Plomb fondu », qui fit, d'après un bilan dressé le 19 janvier, 1 315 morts parmi les Palestiniens, dont plus de 410 enfants et 100 femmes, et 5 285 blessés, tandis que, du côté des assaillants, on comptait 3 civils et 10 soldats tués, ainsi que 113 soldats et 84 civils blessés. C'est dire la disproportion manifeste entre les forces en présence.


    Israël invoque toujours la « légitime  défense" pour justifier ses actions meurtrières, que ce soit pour des « assassinats ciblés », des destructions méthodiques, des opérations de plus vaste envergure, argument repris en boucle par les médias occidentaux, qui mettent en avant, de façon quasi mécanique, comme s'ils obéissaient à une consigne, le refrain des « milliers de roquettes » tirées de la bande de Gaza. Ces mêmes « commentateurs" ne rappellent jamais que ces tirs sont la plupart des fois inopérants, qu'ils n'occasionnent presque jamais de mort ni même de dégâts matériels conséquents, tandis que les missiles lancés par avions, hélicoptères, ou du sol, ruinent complètement les infrastructures palestiniennes, et tuent de nombreuses personnes, combattants ou civils. De même, ces spécialistes de la « communication » ont l'art de tourner une situation pourtant claire (un gros écrase sans pitié un petit) en faveur des agresseurs, en reprenant la vision israélienne, et en donnant largement la parole à ses représentants. Or, ce qu'on avance comme étant des actes « terroristes » ne sont pas des « provocations » auxquelles il serait justifié de répondre, mais des actions de résistance à une situation d'oppression et de colonisation dont l'exemple devrait passer pour passablement suranné de nos jours, puisque manifestement, un peuple a résolu de s'emparer par la force des terres d'un autre peuple. L'emploi d'un lexique connoté est une clé majeure de la manipulation des esprits, comme le terme « terroriste » l'indique suffisamment. J'écoutais tout à l'heure un présentateur de France inter évoquer la lutte d'Israël contre les « groupes armés », ce qui, finalement, revient à placer l'entreprise belliqueuse de l'Etat sioniste sur le même plan (intérieur) que la traque, par des services de polices, de noyaux particulièrement dangereux d'activistes politiques, sans compter le mépris affiché pour la violence qui n'est pas étatique, laquelle, étrangement, paraît beaucoup plus « propre » et admise. Ce qui donne une idée de l'engagement idéologique de ceux qui sont censés nous informer, et de l'intégrité éthique de ces personnages.


    Ce déni de justice, pourtant ne suscite pas la révolte de gouvernements, qui, pourtant, n'ont pas de mots assez outranciers pour condamner un Etat légitime comme celui de la Syrie, accusé de tous les crimes contre l'humanité. Or, Israël n'a rien à envier aux régimes les plus durs, lui qui, non seulement se réclame d'une appartenance confessionnelle, voire ethnique, ce qui est pour le moins singulier en regard des normes contemporaines des convenances internationales , mais présente à sa tête un gouvernement qui, sur le spectre politique, serait situé franchement à l'extrême droite, ce qui ne semble pas déranger outre mesure nos « champions de la liberté ». Les derniers sondages organisés sans la population israélienne, et certains pogroms xénophobes, n'indiquent-ils pas des tendances racistes ?


    Au contraire : on voit les ministres de cet Etat scélérat parader avec tout ce que l'Europe et l'Amérique comptent d'officiels, on prend acte que ses structures participent aux instances d'une Europe qui, nonobstant, ne cesse de faire la leçon au monde entier, et on apprend même que Tsahal s'entraîne sur le sol de notre continent, notamment en Roumanie. Ce n'est d'ailleurs guère un secret qu'Israël jouit de nombreux soutiens au sein des sphères dirigeants des nations européennes, et au cœur même de l'Union. On s'explique mieux que des facilités commerciales, des relations culturelles, des cadeaux diplomatiques, militaires et politiques lui soient offerts de plus en plus ouvertement, sans soulever de protestations. Aucun autre pays, si l'on prenait n'importe quelle mesure politique disqualifiante, ne se conduirait ainsi sans essuyer l’opprobre universelle. La pauvre Serbie a fait bien moins, et a cependant payé le prix fort de la terreur atlantiste. Et pourtant Israël agit comme il veut, quand il veut, où il veut. Les exemples ne manquent pas de connivence, ni de complicités au plus haut niveau, et de façon militante, comme l'a montré, sous Sarkozy, la véritable épuration dont a fait l'objet le personnel des Affaires étrangères, et, sous Hollande, les louanges hyperboliques qui couvrent cette « grande démocratie que le monde entier envie », et qui suscite tant de « jalousie ».

    Quelle attitude à avoir face à une situation qui dure depuis plus de soixante ans et pourrit les relations internationales, au point qu'une troisième guerre mondiale est ouvertement envisagée, avec l'usage de l'arme nucléaire, qu'Israël possède sans que des remous se fussent manifestés dans la conscience des puissants du Nouvel Ordre mondial ?

    D'aucuns, parmi les nationaux, avancent que le conflit proche-oriental ne concerne pas la France. Ce n'est certes pas l'avis de ceux qui la gouvernent, puisqu'ils se donnent corps et âme à l'un des belligérants. Du reste, le reproche fait aux pro-palestiniens d'importer les querelles des bords du Jourdain sur les rives de la Seine relève de la plus pure hypocrisie, car le crif, la LDJ, le Bétar et les « amis d'Israël » ne manquent jamais une occasion d'intervenir en faveur de leur champion. D'autres soutiennent carrément l'entité sioniste, en raison du danger islamiste qui minerait la France et ses banlieues.

    Or, ces arguments sont incohérents et inefficients de notre point de vue. Non qu'il faille absolument s'attacher, en matière de politique et de guerre, à la morale. Comme nous le montrent les dirigeants occidentaux, la morale ne vaut que comme rhétorique. Pour le reste, c'est-à-dire l'action, on se comporte comme n'importe quel barbouze. Admettons qu'Israël ait le droit d'user de tous les moyens. Encore s'agit-il tout de même de préciser que, même jadis, où l'on était moins regardant, l'utilisation de la force sans entrave n'était, à la longue, pas très bien considérée. Comme le faisait remarquer Machiavel : « Il y a deux manières de combattre, l'une avec les lois, l'autre avec la force. La première est propre aux hommes, l'autre nous est commune avec les bêtes. » Or, il semble évident qu'Israël se fout de la loi internationale, et a fait de la force brute sa philosophie dans ses relations avec ses voisins (hormis quand il les achète).

    D'un point de vue « égoïste », c'est-à-dire qui concerne les Français, et, plus largement, les Européens, nous avons tout à perdre dans une politique internationale qui appuierait le sionisme. Le problème palestinien n'est pas seulement un problème "arabe", mais il est - surtout- un problème "national", identitaire, et singulièrement celui d'un peuple qui, qu'on le veuille ou non, tente de résister à l'empire (dont Israël est le fer de lance dans la région). A ce titre, nous, Français patriotes, "identitaires" etc., nous nous devons d'être solidaires avec lui, car nous avons les mêmes ennemis qui tentent de nous déraciner.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 15 novembre 2012)

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